Côte d’Ivoire-AIP/ “Un joyau écologique à préserver absolument”, la forêt classée de N’ganda N’ganda (Reportage)
Le rôle joué par les forêts dans l’histoire de l’humanité à travers le maintien de la biodiversité et climatique est très important. Les données existantes soulignent que celles-ci abritent un peu plus de 80% de la biodiversité de la terre. Elles constituent ainsi des ressources indispensables pour un grand nombre des populations de la planète. Toutefois, l’exploitation de ce capital naturel entraîne depuis plusieurs décennies sa dégradation.
La Côte d’Ivoire qui avait un taux de couverture forestière de 16 millions d’hectares au début du siècle se retrouve à moins 3 millions d’hectares au cours de ce 21e siècle (UE, 2006). Autrement dit, le pays n’échappe pas à ce phénomène de déforestation de son patrimoine. Pour atténuer cette régression forestière et sauvegarder les dernières reliques, l’Etat ivoirien a procédé à la mise en réserve de certains espaces naturels à travers les forêts classées. Lesquelles, sont considérées comme des ‘‘greniers’’ à travers leur potentiel écologique jugé très important.
Au nombre de celles-ci, la forêt classée de N’gandan N’gandan, située entre les sous-préfectures de Bonoua et d’Assinie, à quelques mètres des nombreux complexes hôteliers qui bordent la lagune, d’une superficie de 7200 ha en réalité, dont 4800 ha gérés par la Société de développement des forêts (SODEFOR ), le reste ayant été cédé depuis les années 80 par bail emphytéotique de 66 ans à une entreprise publique au départ puis privatisée en 1996.
Incursion au coeur de cette forêt avec la collaboration de son unité de gestion sous la supervision de la direction régionale d’Abidjan de la SODEFOR.
“La forêt classée de N’ganda N’ganda est un véritable joyau écologique à préserver absolument”, selon la directrice régionale de la SODEFOR à Abidjan, colonel Kouassi Hortense. Cette déclaration de celle qui a en charge la gestion quotidienne de cette forêt s’adosse à plusieurs atouts dont regorge la forêt.
N’ganda N’ganda, le cœur de la nappe phréatique de Bonoua et d’Abidjan
La nappe phréatique permettant d’alimenter en eau potable les populations d’Assinie, de Bonoua et d’Abidjan notamment repose dans cette forêt de N’gandan N’gandan selon le col Kouassi et le directeur de la communication de la SODEFOR, Alain Bley Bitignon. La destruction de cette forêt aura donc un impact sur cette nappe et donc on imagine les conséquences en matière d’eau potable notent les agents de la Sodefor.
Les bassins versants boisés fournissent une proportion élevée de l’eau utilisée à des fins domestiques, agricoles, industrielles, et écologiques, dans les zones d’amont et d’aval. Le changement climatique altère le rôle des forêts dans la régulation des écoulements d’eau ainsi que leur influence sur les disponibilités hydriques. La relation entre les forêts et l’eau est donc un aspect critique qui mérite une attention particulière. Le rôle indispensable de la forêt dans le cycle de l’eau est moins connu, que ce soit par l’évapotranspiration contribuant aux précipitations, mais aussi par l’approvisionnement et l’infiltration des eaux de pluie vers les nappes phréatiques. Les sols forestiers retiennent les eaux de pluie qui se fraient un chemin jusqu’aux nappes aquifères, permettant leur recharge. Les forêts riveraines évitent le ruissellement de sols acides dans les lacs et les rivières d’eau douce qui en seraient très affectés. La forêt est donc indispensable pour la production d’eau.
La région du Sud-Comoé est arrosée par une forte pluviométrie. Selon une étude monographique du district de la Comoé, la petite saison pluvieuse présente en moyenne 200mm d’eau quand la grande saison présente entre 300 et 500 mm d’eau.la petite et la grande saison sèche font apparaître moins de 100mm d’eau. On se retrouve donc annuellement autour d’une moyenne de 1400 à 2500 mm d’eau annuellement. La région regorge, par conséquent, plusieurs plantations industrielles de palmier à huile, de coco, de latex, de banane et constitue une zone de production de café et de cacao non moins importante. A Ehania près d’Aboisso, une entreprise privée possède 12 000 ha de plantation de palmier à huile d’un seul tenant.
Un moyen de protection contre l’érosion des sols
Selon le chef de l’unité de gestion de la forêt (UGF) classée de N’ganda N’ganda, le cne Bassomki Kouadio Adingra, cette forêt réduit les crues, limitent des inondations, empêchent l’érosion des sols. La détruire serait donc faire appel aux dégâts insurmontables.
Lieu de protection et de reproduction des oiseaux migrateurs
Les zones humides que comprend la forêt classée de N’ganda N’ganda, représentent selon le Col Kouassi un lieu de reproduction et de refuge des oiseaux migrateurs qui traversent chaque année les frontières pour se retrouver à une période bien donnée sur les espaces humides de la forêt où ils se reproduisent. La convention de RAMSAR mais également celle de AEWA protègent ces oiseaux et les espaces humides.
Les zones humides, espaces de transition entre la terre et l’eau, constituent un patrimoine naturel exceptionnel, en raison de leur richesse biologique et des fonctions naturelles qu’elles remplissent. Elles sont, aux côtés des forêts tropicales et des récifs coralliens, parmi les milieux naturels les plus riches et les plus productifs au monde ; elles tracent à la surface de notre globe des routes que suivent depuis des siècles les oiseaux migrateurs.
Présence d’une biodiversité
La forêt de N’ganda N’ganda présente une biodiversité à nul doute pareille ont fait savoir le cne Bossomki et le col Kouassi. Ils ont relevé la présence d’ilots de savane, de forêt, d’espèces animales tels les oiseaux et les reptiles ainsi que des essences forestières diverses . En cela cette forêt est un atout écotouristique intarissable ont-ils fait savoir.
Un atout écotouristique intarissable
Cette biodiversité s’ajoute aux différents plans d’eaux d’Assinie pour constituer un attrait touristique. Les adeptes de l’écotourisme ne pourront pas bouder leur plaisir car à proximité des hôtels de luxe se trouve une biodiversité à découvrir. L’aérodrome qui existe dans cette forêt est un autre atout majeur pouvant faciliter les visites touristiques notent le Col Kouassi et le cne Bossomki. Cette forêt pourrait servir de « forêt école » relève le col Kouassi qui atteste que les touristes et autres visiteurs peuvent y découvrir les espèces fauniques comme végétales.
Une arme de préservation de la flore et de la faune
Divers types de reptiles, dont des serpents, des crocodiles, des varans ainsi que des fromagers vieux de plusieurs années et bien d’autres arbres et arbustes sont préservés dans cette forêt pour le bonheur des générations futures font savoir les responsables de la SODEFOR.
Un instrument de lutte contre le réchauffement climatique
Selon la cne Bossomki, les forêts dont celle de N’ganda N’ganda jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat et dans l’atténuation du réchauffement de la planète car cette action n’a aucune limite. Au-delà des services qu’elle rend en matière d’habitat pour une large diversité d’espèces, de protection des sols, de production de bois, d’accueil au public, la forêt joue aussi un rôle essentiel dans la lutte contre la hausse des températures, par le piégeage du carbone de l’atmosphère.
Un accès des populations à la forêt réglementé
L’accès des populations à la forêt se fait à travers, l’enclave d’Attobô, une superficie à laquelle des populations ont accès pour faire de la culture pérenne, de l’élevage, le ramassage de bois morts ou l’extraction de plantes pour des soins médicaux.
Des difficultés dans la gestion de la forêt
Les difficultés dans la gestion de cette forêt relèvent de la pression démographique, de l’action des braconniers et des convoitises dont elle fait l’objet quand on sait que les terrains à Assinie Mafia sont prisés et très prisés. « Cependant, assure le cne Bossomki, nous sommes intraitables face à tous ceux qui veulent détruire la forêt pour quelque raison que ce soit »
Une forêt protégée par plusieurs conventions internationales
Plusieurs conventions internationales protègent cette forêt du fait de son importance fait remarquer le col kouassi.
La convention de RAMSAR
La Convention de Ramsar relative aux zones humides est le premier traité moderne à portée mondiale sur la conservation et l’utilisation rationnelle de ressources et d’habitats naturels. Depuis son adoption à Ramsar, en Iran, en 1971, elle a servi de cadre à la coopération intergouvernementale en matière de zones humides. Les zones humides sont importantes en raison de la diversité biologique qu’elles entretiennent – la flore et la faune caractéristiques des habitats riches et variés qui sont compris dans la définition des zones humides donnée par la Convention. “étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou sale, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres”.
L’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA) est un traité intergouvernemental destiné à la conservation des oiseaux d’eau migrateurs et de leurs habitats en Afrique, en Europe, au Moyen-Orient, en Asie centrale, au Groenland et dans l’archipel canadien.
Élaboré dans le cadre de la Convention sur les espèces migratrices (CMS)et géré par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’AEWA réunit les pays et la grande communauté internationale de la conservation visant à établir une conservation et une gestion coordonnées des oiseaux d’eau migrateurs dans l’ensemble de leur aire de migration.
L’AEWA couvre 255 espèces d’oiseaux qui dépendent écologiquement des zones humides pendant au moins une partie de leur cycle annuel, incluant de nombreuses espèces de plongeons, grèbes, pélicans, cormorans, hérons, cigognes, râles, ibis, spatules, flamants, canards, cygnes, oies, grues, limicoles, goélands, sternes, oiseaux tropicaux, alcidés, frégates et même le pingouin d’Afrique du Sud.
Toutes les espèces de l’AEWA traversent des frontières internationales durant leurs migrations et ont besoin d’un habitat de bonne qualité pour se reproduire ainsi qu’un réseau de sites adaptés pour soutenir leurs migrations annuelles. C’est pourquoi une coopération internationale à travers l’ensemble de leur aire de migration, telle que l’assure l’AEWA, est essentielle pour la conservation et la gestion des populations d’oiseaux d’eau migrateurs et des habitats dont elles dépendent.
La gestion durable des zones humides pour la sécurité alimentaire et la résilience des écosystèmes en Afrique de l’Ouest (GDZHAO)
Développer, valider et promouvoir un portefeuille de produits et services basés sur l’exploitation des données d’observation de la terre (dans les domaines de l’eau, de la végétation, des sols ) afin d’améliorer les connaissances sur les zones humides ouest africaines dans une perspective de gestion durable pour la sécurité alimentaire et le renforcement de la résilience des écosystèmes tel est l’objectif de la GDZHAO . Sénégal, Gambie, Guinée, Mali, Burkina-Faso, Niger, Côte d’Ivoire, Ghana sont les pays dans lesquels le projet intervient.
La politique nationale de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts (PPREF), initié par le gouvernement ivoirien en 2017
De 16 millions d’hectares de forêts au début du 20ème siècle, les superficies résiduelles de forêts ne représentaient plus que 3.4 millions d’hectares en 2015, soit un rythme moyen de disparition supérieur à 200 000 hectares par an. A cette allure, les forêts ivoiriennes auront disparu d’ici une dizaine d’années.
En outre, environ 12% des émissions mondiales de gaz à effet de serre résultent de la déforestation. D’ici à 2030, la pression sur la forêt sera en forte hausse en raison notamment de la croissance démographique, de l’urbanisation accélérée, de la création de nouvelles zones industrielles et des exploitations agricoles. Dès lors, il devient impérieux pour le Gouvernement d’envisager une nouvelle approche de reconquête et d’accroissement de la couverture forestière nationale. Ainsi, dans le cadre de la mise en œuvre du programme du Gouvernement, le ministère des Eaux et Forêts entend conduire une nouvelle politique de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts (PPREF) qui s’articule autour des trois axes suivants :
La préservation de la biodiversité L’entretien d’un climat favorable au développement des activités socio-économiques et agricoles Le respect des engagements internationaux de la Côte d’Ivoire. L’innovation majeure contenue dans cette politique est que les efforts de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts reposeront, à côté de ceux de l’Etat et de la communauté nationale, surtout sur des partenariats publics privés indispensables au financement de la mise œuvre d’une politique qui se veut ambitieuse.
Le partenariat public-privé (PP) pour la gestion durable du patrimoine forestier suivant la décision n°0047/MINEF du 10 septembre 2003
Ces partenariats avec des structures privées sont mis en place dans le cadre de l’aménagement des forêts explique Alain Bley Bitignon.
La promotion des activités écotouristiques de la zone touristique prioritaire d’Assinie-Mafia, relativement au décret de septembre 1970
Pour faciliter cette promotion du tourisme dans la zone d’Assinie le président de la République d’Alors, Félix Houphouët Boigny a pris le décret 11.- 0 70-530 du 2 Septembre 1970, portant protection de la zone d’Assinie. Ce décret stipule en son article 3 que Art. 3.- Toute la bordure nord de la lagune d’Assinie entre le PK 27 et Le canal d’Assinie-Aby à l’est sur une profondeur de 250 mètres est frappée d’une interdiction totale de déforester et de servitude non aedificandi. Des dérogations exceptionnelles pourront être accordées par le ministre du Tourisme en rapport avec les ministres de l’Agriculture, de l’Intérieur et de la Construction.
Au total, la forêt classée de N’ganda N’ganda si elle venait à disparaître serait une catastrophe écologique sans précédent avec des conséquences drastiques sur la vie des populations. Cette forêt permet d’ailleurs de contrer l’avancée de la mer constatée à Assinie, selon le col Kouassi.
Source: Agence Ivoirienne de Press