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Côte d’Ivoire – AIP/ L’ex gardien de buts international ivoirien Digbeu Pascal alias Bodo Maier invite à “revenir aider les parents au village”

Digbeu Pascal alias Bodo Maier est un ancien gardien de buts international ivoirien qui a joué au Stade d’Abidjan et à l’ASEC Mimosas entre autres clubs. Disparu des stades depuis une trentaine d’année, l’AIP l’a rencontré à Bolia, son village natal, près de Daloa.

Que devenez-vous Bodo Maier ?

Je me vis en Allemagne où je me suis établi, précisément dans le Baden Buttenberg, c’est dans le sud du pays. Je suis venu passer des vacances au village avec les parents.

Pourquoi avez-vous choisi de vous installer en Allemagne après le football ?

Il faut dire que je suis d’abord parti en Suède en février 1993 pour jouer au football. Après 36 matches, j’y ai été nommé Top Kepper (ndlr : meilleur gardien de buts) en 1994 devant Ravelli (ndlr : Thomas Ravelli, gardien de buts titulaire l’équipe nationale de football suédois de l’époque). J’ai décidé de partir de la Suède à la suite d’un test à Eslom, le club de Henrik Larsson, qui a été concluant mais qui n’a pas été sanctionné par une signature de contrat, simplement parce qu’un dirigeant du club ne voulait pas d’étranger. J’ai alors choisi l’Allemagne, à cause du niveau d’industrialisation du pays, du haut niveau de son football et de la rigueur légendaire de son peuple.

Comment s’est faite votre intégration en Allemagne ?

Je souligne qu’en d’allant en Allemagne, je n’y avais aucun contact. Il me fallait seulement trouver un endroit où déposer ma valise à l’arrivée. Un ami m’a donc mis en contact avec un congolais que je ne connaissais même pas.

Une fois sur place, je me suis dit qu’il valait mieux chercher rapidement un petit club, plus facile à trouver pour jouer, surtout que mon visa n’était pas loin d’expirer. Renouveler mes papiers étaient ma principale préoccupation. Face à cette urgence, j’ai été mis en contact avec un club amateur qui m’a engagé après un essai qui n’a duré qu’une trentaine de minutes. Le principal dirigeant du club s’est même demandé pourquoi un gardien de ma trempe, qui a joué en équipe nationale pour son pays, n’avait d’autres ambitions que de jouer dans un club amateur comme le sien. Mais moi, c’était la régulation de mes papiers qui m’intéressait. Bref. Avec ce club, je ne gagnais pas suffisamment d’argent. J’étais obligé de faire de petits boulots. En revanche, ses dirigeants m’ont établi un visa de cinq ans et offert un studio pour loger. C’était déjà beaucoup. Pour le reste, j’ai profité de cette période de cinq ans pour étudier et avoir des diplômes. J’ai ainsi obtenu une licence d’entraîneur et un diplôme en management. J’en ai aussi profité pour avoir la nationalité allemande et m’installer définitivement dans le pays.

Je signale qu’entre temps, j’avais été vendu à un autre club amateur à Freiburg, dans le sud du pays où je vis actuellement. En somme, je suis citoyen allemand, je vis en Allemagne, je travaille à l’Institut Fraunhofer pour les systèmes d’énergie solaire. En parallèle, je gère un centre de formation de football que j’ai créé et baptisé « SEBO Fuss-ball Schule ».

Digbeu Pascal visite avec les siens le chantier l’agrandissement de l’école primaire de Bolia, son village natal

Quel est le regard de l’ancien international et du formateur que vous êtes sur le football ivoirien aujourd’hui ?

Du travail a été fait, certes, mais je pense qu’il y a beaucoup de choses à corriger. Il faudrait surtout que les dirigeants ouvrent davantage la gestion du football à tous ceux qui en ont la compétence. Je suggère, par exemple, qu’on mette des enseignants de l’INJS (Ndlr : Institut national de la Jeunesse et des Sport) et des anciens footballeurs reconvertis en entraineurs en mission pour détecter de nouveaux talents à travers le pays. Nos villages, nos quartiers, les compétions de l’OISSU (Ndlr : Office ivoirien des sports scolaires et universitaires) sont des viviers de footballeurs talentueux. Il faut se donner les moyens de les détecter et les mettre en compétition pour en retenir la crème. C’est ce schéma de sélection dégressive qui est appliqué dans les écoles de football en Europe pour faire émerger les grands footballeurs que nous connaissons.

Vous avez un centre de formation de football en Allemagne. Envisagez-vous d’en créer en Côte d’Ivoire ?

Non, je n’y songe pas. Ne résidant pas ici, je crains qu’un tel investissement ne soit pas bien géré. Par contre, j’ai été sollicité pour monter une équipe de football ici même, au village. Cette idée me semble plus réalisable. Avec les villages de la ronde, il y a du potentiel humain pour monter une équipe de football compétitive.

Vous êtes en train de reconstruire pratiquement l’école primaire de votre village natal. Vous construisez ou réhabilitez également des édifices publics, des points d’eau potable. Vous interviendriez même dans les villages voisins. Y a-t-il une ambition sous-jacente ?

(Un peu surpris). Non, mais… On est parti en Europe pour chercher de l’argent, alors on revient aider les parents. Ils ont besoin de nous. En même temps, c’est pour continuer à exister dans leur esprit, rester leur fils. Autrement, si vous restez en Europe, si vous ne revenez jamais les voir au village, ils vous oublieront et c’est tout. Même si vous êtes milliardaire ! Donc, on revient pour les aider. Et l’une des meilleures façons de les aider, c’est d’investir dans l’école.

Digbeu Pascal devant les latrines offertes par l’ambassade de l’Allemagne en Côte d’Ivoire à l’école primaire de son village

Figurez-vous, il y a quelques années, il n’y avait pas assez de places pour inscrire tous les enfants en âge d’aller à l’école. C’est pour cela que j’ai décidé de financer la construction de nouvelles salles de classe afin que le village dispose d’un groupe scolaire. J’ai aussi réhabilité les anciennes classes parce qu’elles étaient très dégradées. Ensuite, j’ai offert des tables-bancs et une cantine. J’ai également monté et soumis un projet de construction de latrines à l’Ambassade de mon pays (Ndlr ; L’Allemagne) qui a accepté de le financer. L’ambassadeur lui-même est venu ici pour l’inauguration.

Vous êtes en train de construire une résidence ici dans votre village. Envisagez-vous de revenir définitivement bientôt ?

Euh…, non, pas encore. Pour le moment, je me sens bien dans mon nouveau pays.

Source: Agence Ivoirienne de Presse