Côte d’Ivoire-AIP/ Les jeunes de Ferkessédougou désormais dans l’engagement citoyen et de la paix après les périodes chaudes de la politique (Dossier)
Les jeunes du département de Ferkessédougou ont décidé de s’engager désormais dans les actions citoyennes et la consolidation de la paix et la cohésion sociale après les périodes chaudes de la politique où ils avaient été en première ligne. Une prise de conscience qui les amènent plus des actions humanitaires. Dossier.
La ville de Ferkessédougou, située à environ 650 km d’Abidjan, est le chef lieu de la région du Tchologo dans l’extrême nord de la Cote d’Ivoire. Selon le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) 2021, le département de Ferkessédougou compte 190 141 habitants dont la majorité est jeune.
Pendant longtemps, cette jeunesse s’est impliquée entièrement dans le champs politique en étant les bras d’action des formations politiques et de leurs principaux animateurs. Mais depuis quelques années, elle est beaucoup tournée vers les actions citoyennes, sociales, communautaires et parfois humanitaires.
Les jeunes des périodes chaudes électorales
Plusieurs formations politiques animent la vie publique de Ferkessédougou depuis plus de cinq ans. Et les jeunes y occupent une place de choix et sont appelés “la jeunesse du parti”. En période électorale, plusieurs jeunes de Ferkessédougou ont été très actifs sur le terrain. Entre organisation de meeting, affichage de posters de candidats et représentation desdits candidats dans les bureaux de vote, les jeunes de Ferkessédougou ont mené toutes sortes de combats politiques, même parfois les plus risqués au péril de leur vie (crise de 2002 avec la rébellion, crise post-électorale, divorce de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, etc..). Mais au constat des retombées pour ces jeunes en termes d’acquis personnels, beaucoup sont ressortis désillusionnés.
Plusieurs jeunes des différents bords politiques rencontrés dans les quartiers les plus peuplées comme quartiers Gare, Douanes, Dioulabougou, sous couvert d’anonymat, disent être ” sortis zéro” comme pour dire qu’ils n’y ont rien gagné. Heureusement, les violences qui ont émaillé les dernières élections présidentielles n’ont pas eu assez d’échos auprès de ces jeunes. Déjà les premiers signes du changement de cap des jeunes se faisaient sentir.
Le nouveau credo dans lequel beaucoup de jeunes ont décidé de s’investir s’articule autour des mouvements associatifs et les engagements humanitaires.
Les mouvements associatifs de jeunes comme la panacée
Le Conseil national des jeunes de Côte d’Ivoire (CNJCI) est la faitière nationale des jeunes ivoiriens. Après sa réélection, le délégué départemental, Sanogo Miguissigue Roméo, a pris un tournant d’engagement des jeunes dans tout sauf le champs politique.
« Nous estimons que les jeunes ont maintenant besoin de construire leur avenir de façon responsable. Cela se fait dans la paix. Nous les orientons plus vers toutes les actions pacifiques de revendication et de plaidoyer », a souligné M. Sanogo. A cet effet, plusieurs ateliers sont organisés sur les techniques de plaidoyer, l’engagement citoyen et le volontariat pour intéresser les jeunes « vers les questions de l’emploi et tout ce qui est offre au niveau du guichet emploi jeunes de la ville ».
Avec le service civique initié par le ministère de la Promotion de la jeunesse, d’Insertion professionnelle et du Service civique, plusieurs dizaines de jeunes Ferkessédougou sont allés se former dans le centre de service civique de Guingreni, dans le département de Boundiali (région de la Bagoué).
L’objectif de cette formation était, selon le coordonnateur départemental des Jeunes volontaires au service national de la jeunesse, Touré Kolo, « de faire des jeunes Ferkessédougou des acteurs et de canaux de la paix en passant par un appel à leur sens de l’amour de la patrie et en s’inscrivant dans le volontariat ».
Depuis leur sortie de formation en 2021, ces jeunes volontaires de Ferkessédougou ont relayé leurs acquis à plusieurs centaines de jeunes de la ville. “Nous sommes résolument revenus de cette formation avec une volonté d’abord de paix pour ensuite nous mettre à la disposition de notre communauté sans aucune différence », explique le coordonnateur adjoint, Aké Boris.
Le projet U-REPORT de l’UNICEF et la Fondation Friedrich Ebert pour le renforcement des capacités
L’UNICEF a initié le mouvement U-REPORT destiné aux jeunes de 14 à 30 ans. Il a pour objectif de faire des jeunes, des citoyens engagés pour leurs communautés et leurs concitoyens dans le domaine de toute action pacifique et de transformation positive de comportement. Le coordonnateur départemental U-REPORT de Ferkessédougou, Bakayoko Lacina, explique qu’il s’agit d’amener les nombreux jeunes de Ferkessédougou, à entrer dans une nouvelle phase de la vie du département.
“Après la crise sociopolitique qu’a traversée le pays et surtout après toutes les péripéties politiques qui ont emporté de nombreux jeunes, nous nous sommes dit qu’il fallait que nous construisions notre avenir dans un espace de paix en militant beaucoup pour les actions sociales, humanitaires et pacifiques ».
Primée cinquième meilleure communauté U-REPORT de la Cote d‘Ivoire en 2021 lors du congrès de U-REPORT Cote d’ivoire à Yamoussoukro, les jeunes de ce mouvement ne baissent pourtant pas les bras, ils multiplient les ateliers de renforcement de capacités, les initiatives d’engagement citoyen, la sensibilisation à la paix et au dialogue intercommunautaires. Il ne se passe pas un seul mois où des jeunes ne soient pas en activités communautaires, comme constaté par l’AIP.
De son côté, la fondation Friedrich Erbert pilote le projet “Jeunes de valeur” d’une durée de 18 mois. Plusieurs activités meublent ce projet à savoir des matchs de football pour la paix, des séances de sensibilisations des adultes, des parents au civisme routier, à l’interpellation des acteurs politiques à respecter les valeurs et le processus démocratiques en cas d’élection.
Ce projet a eu un fort impact sur les jeunes de Ferkessédougou au point qu’ils sont nombreux à ces activités plus qu’a celles liées à la politique. A la tâche depuis plus d’un an, une vingtaine d’entre ces jeunes ont été formés pour être des relais de paix et valeurs démocratiques.
“La prise de conscience chez les jeunes de notre département est palpable. Quand nous faisons une espèce de bilan à mi-parcours du projet, les jeunes de Ferkessédougou ont aujourd’hui assez d’acquis pour ne plus se laisser entrainer dans les travers sociopolitiques“, explique le coordonnateur du projet « Jeunes de valeurs » dans le département, Oka Ismaël.
La direction régionale de la Promotion de la jeunesse pour l’snsertion professionnelle
Un autre acteur très important dans ce changement de cap et de vision des jeunes, c’est la direction régionale de la Promotion de la jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique. Dirigée par Mme Evelyne Françoise Koffi, cette direction est au quotidien auprès de tous les jeunes de la région du Tchologo en général et de ceux du département de Ferkessédougou, en particulier.
« En 2021, nous avons organisé les états généraux de jeunesse de la région du Tchologo. Pendant une dizaine de jours, nous avons été avec les jeunes des trois départements que compte le Tchologo. Et le point central des assises était la création d’un climat de paix, sa consolidation afin d’avoir les conditions propices à la création d’emplois évitant par ricochet l’oisiveté, terreau favorable à toutes sortes de dérives » explique Mme Koffi.
Un an après, les jeunes de la région du Tchologo et surtout celles de Ferkessédougou en tête, sont quasiment occupés quelque part dans plusieurs activités pacifiques, citoyennes et de sensibilisation. Ils disent avoir pris une nouvelle direction, celle porteuse d’espoir pour un avenir prospère. Certes la question de l’emploi, telle un serpent des mers, est toujours d’actualité, certes beaucoup reste à faire pour les jeunes de Ferkessédougou.
Mais les jeunes eux-mêmes ont établi une atmosphère et un environnement pacifiques et très favorables à la création de richesse. Tous espèrent qu’avec la construction du port sec qui est déjà très avancée, la question de l’emploi total trouvera une réponse concrète à leur inquiétude à ce niveau.
Source: Agence Ivoirienne de Presse