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Côte d’Ivoire-AIP/ La rizipisciculture dispose de nombreux avantages pour les riziculteurs (Interview)

Les experts de l’Agence nationale d’appui au développement rural (ANADER) ont mis en place, il y a quelques années, une technologie en vue de diversifier les activités des exploitants agricoles pour accroître leurs revenus. Le chef de division recherche et développement à l’ANADER, Elie Memel Esmel, explique l’intérêt du projet de diffusion de l’association riziculture-pisciculture par la technique de juxtaposition de l’étang piscicole et du casier rizicole, dans une interview accordée vendredi 08 octobre à l’AIP.

AIP : Qu’est ce que la technologie de rizipisciculture ?

M. E : L’association riziculture-pisciculture ou rizipisciculture est une technologie qui joue sur le mutualisme de la culture du riz et des étangs piscicoles (le riz nourrit le poisson et le poisson nourrit le riz). Elle permet, selon le type d’association, de produire trois à cinq tonnes de poisson/hectare d’étang avec un aliment à base de farine basse de riz et d’améliorer la production de riz de 25 à 50%. Cette technologie est développée sans utilisation de pesticides, d’herbicides ou d’engrais, selon les experts du Centre national de recherches agronomiques (CNRA). Ce projet a été financé par le Fonds interprofessionnel de recherche et conseil agricoles (FIRCA), à travers le Fonds compétitif pour l’innovation agricole et durable (FCIAD) depuis juin 2019.

AIP : Quelles sont les raisons qui ont milité à associer ces deux spéculations ?

M.E : Les raisons majeures qui ont milité à cette association sont tout d’abord le besoin d’amélioration de la production du riz en Côte d’Ivoire en vue de contribuer à satisfaire aux besoins exprimés des populations pour cette denrée alimentaire à partir de la production locale. Ensuite, dans un contexte de changements climatiques qui n’épargne d’ailleurs pas notre pays, le facteur de production qu’est l’eau, nécessite une bonne gestion. Cette pratique agricole participe à atteindre cet objectif de gestion rationnelle de ce facteur. Enfin, la volonté d’améliorer les revenus des riziculteurs et rizicultrices par la diversification de leurs activités de production, est l’une des raisons.

AIP : Quels sont les avantages liés à cette association ?

M.E : Plusieurs avantages sont reconnus à cette association et peuvent être distingués en deux groupes. Au plan agronomique, une bonne gestion de l’eau destinée à la production agricole, une utilisation contrôlée des intrants chimiques et une amélioration de la structure des sols cultivés. Au plan environnemental, on peut noter une préservation de la vie biologique au niveau du sol. Enfin, au plan économique l’exploitant agricole proposant à son marché une diversité de produits, peut en tirer meilleur profit par l’amélioration de ses gains.

AIP : Depuis combien d’années cette technologie est-elle expérimentée dans notre pays ?

M.E : La rizipisciculture est une tradition ancienne largement pratiquée en Asie et requérant peu de main-d’œuvre et peu d’intrants. Ce concept s’est modernisé depuis plusieurs années à travers la recherche scientifique. En Côte d’Ivoire, le CNRA, dans les années 1990, a mené des actions en recherche et développement pour adapter cette technologie à nos conditions de culture du riz irrigué. Aussi, dans le cadre du PARFACI, trois fiches techniques, portant sur la technologie, sont élaborées dans le but de permettre sa diffusion à grande échelle auprès des producteurs. Il s’agit des techniques de la juxtaposition de l’étang piscicole et du casier rizicole (pratique diffusée dans le cadre de notre projet), de l’association en étang des poissons et des plants de riz et de la technique de l’alternance de la riziculture et de la pisciculture.

AIP : Comment cette innovation est-elle accueillie par les producteurs ?

M.E : Sceptiques au départ, les résultats enregistrés ont fini par convaincre bénéficiaires et observateurs des intérêts agronomiques que revêt la technologie. La réalisation à 100% de l’objectif d’application de la technologie par les bénéficiaires du projet, des cas d’application de la technologie par des producteurs non bénéficiaires du projet à Yamoussoukro, par exemple, et les nombreuses visites de producteurs sur les sites de diffusion de l’innovation, confirment bien le bon accueil réservé.

AIP : Combien d’agents de l’ANADER sont impliqués dans la diffusion de cette nouvelle technologie ?

M.E : Une trentaine de techniciens de l’ANADER, spécialistes en charge des cultures annuelles et des élevages, ont été formés et impliqués dans la diffusion de cette technologie.

AIP : Quels sont les différents sites de diffusion de cette technologie en Côte d’Ivoire ?

M.E : A la suite des travaux menés par le CNRA, la technologie a confirmé ses avantages agro-économiques à travers le PARFACI à Daloa. Le projet FCIAD-Rizipisciculture marque le début d’une mise à échelle véritable de la technologie. Il couvre les zones ANADER d’Abengourou, dans la localité d’Abronamoué, de San Pedro à Petit Pedro, de Soubré à Sayo, d’Oumé à Tonla et Yamoussoukro sur le périmètre rizicole de Petit Bouaké.

AIP : Quels sont les résultats obtenus à ce stade du projet?

M.E : Les résultats partiels obtenus à ce stade de mise en œuvre du projet sont détaillés par variétés cultivées. Ainsi, au niveau de la variété de riz « CB one », on observait un rendement moyen d’environ 6 tonne/ha qui est passé, avec l’application de la technologie, à 8, 5 t /ha, soit un taux d’amélioration de plus de 41% du rendement moyen. En ce qui concerne la variété « CY2 », le rendement était de 4 tonnes t/ha en moyenne. Avec l’application de la nouvelle technologie nous avons obtenu 5,6 t/ha, soit un accroissement de 40% du rendement moyen. Pour la variété de riz « orilux »de 2,5 t/ha, nous sommes passées à 3,5, soit 40% d’amélioration. Enfin pour le riz de variété « jasmin », nous avons enregistré un taux d’accroissement de 30%, nous sommes passés de 2 t/ha à 2,6 t/ha après l’application de la technologie.

AIP : Quelles sont les difficultés rencontrées sur le terrain ?

M.E : Deux principales difficultés ont émaillé la mise en œuvre de ce projet. Il s’agit de la construction des étangs piscicoles, nécessitant l’intervention de spécialistes, et de l’accessibilité en aliments et alevins. La pandémie du COVID 19 a aussi impacté négativement la mise en œuvre du projet.

AIP : Quelles sont les perspectives liées à cette technologie ?

M.E : Les perspectives se résument en ces points. Il s’agira de renforcer les capacités de gestion des exploitations agricoles par la formation en entreprenariat agricole des producteurs ayant introduit la technologie dans leurs exploitations. Nous apporterons un accompagnement technique aux producteurs désireux d’appliquer la technologie mais ne bénéficiant pas de l’appui d’un quelconque projet. Enfin, nous procéderons à la promotion de la technologie dans d’autres zones propices et au renforcement technique des agents de vulgarisation.

AIP : Votre mot de fin à l’endroit des exploitants agricoles

M.E : Comme mot de fin, nous pouvons dire que les résultats qui découlent de la mise en œuvre du projet de diffusion de la rizipisciculture par la technique de juxtaposition de l’étang piscicole et du casier rizicole révèlent des intérêts agro-économiques qui visiblement retiennent l’attention des riziculteurs et des pisciculteurs. En outre, dans un contexte de résilience face aux effets des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement lié à l’utilisation abusive d’intrants chimiques, cette pratique culturale se présente comme une opportunité de promouvoir dans les exploitations ayant comme culture de base le riz irriguée ou la pisciculture en étang. Par ailleurs, afin de tirer profit de l’introduction de cette nouvelle pratique agricole dans leurs exploitations, il paraît nécessaire de renforcer les capacités de gestion des producteurs et productrices par la formation à l’entreprenariat agricole. Enfin, il nous paraît nécessaire de mettre en place un programme de communication autour des acquis du projet pour soutenir les actions de diffusion de la technologie portées par l’ANADER.

Source: Agence Ivoirienne de Presse