Ivory Coast Times

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Côte d’Ivoire-AIP/ La culture hors sol pratiquée dans les pneus usagés à Agboville (Feature)

La culture hors sol se définit comme étant sans lien avec le sol en place issu de la roche mère qui l’a généré, dont l’évolution normale se fait sous l’effet des facteurs climatiques augmentés de la végétation qu’il porte et, le cas échéant, de l’action de l’Homme. Dans la région de l’Agnéby-Tiassa, un homme, Hangui N’da, 63 ans, est un passionné de l’agriculture. Après avoir fait des champs de palmiers, d’anacarde, teck, hévéa, cacao à Aboisso, Bonoua, Rubino, Bouaké pour des particuliers, il s’est lancé dans la culture hors sol. Il parvient à remplacer les sachets par les pneus usagés pour avoir un support plus économique.

L’aventure avec les pneus usagés a commencé en 2021. Mais avant, M. Hangui utilisait les sachets blancs et il lui fallait en acheter à nouveau pour chaque cycle. Voyant le coût, il a décidé de se faire confectionner des caisses en bois et de les emballer avec du plastique noir. Mais avec les termites et l’humidité, au bout d’un an, tout est tombé en ruine. L’idée des pneus survient après plusieurs réflexions pour trouver un support qui va lui permettre de travailler permanemment jusqu’à ce qu’il ait la volonté de changer le substrat.

« Un jour, j’ai vu sous le pont, au niveau de la RAN, qu’ils sont venus jeter des pneus et j’ai eu l’idée que ça pourrait m’aider. J’ai commencé à réserver les pneus usagés auprès des vulgarisateurs. J’ai pris un tricycle pour ramasser un premier lot », relate M. Angui.

Le premier essai avec les pneus a presque été un échec, parce qu’il avait déposé les pneus à même le plastique. « Quand il y a le soleil, le pneu chauffe et la chaleur qui doit ressortir attaque les fleurs. Au moment de la floraison à l’apparition des jeunes feuilles, j’ai perdu assez de fleurs et je ne comprenais rien. J’arrosais mais rien ne changeait. J’ai donc décidé d’incliner les pneus en mettant des cailloux en bas. Donc la chaleur qui frappe le pneu par-dessus, descend sur le plastique noir et ça sort par le bas. L’air fait la rotation. Quand j’ai fait ça, au deuxième cycle, les fleurs ne tombaient plus », explique-t-il.

Une composition particulière du substrat

Le substrat comme le définit M. Hangui, « c’est la bonne terre que je fabrique et auquel on n’a pas besoin d’ajouter de l’engrais. C’est de la terre sans la terre ». Le substrat de M. Hangui, est un composé de végétaux de tout genre. Il comprend de la sciure de bois de scierie, des feuilles mortes de teck, l’intérieur du palmier décomposé, la peau de banane, d’igname, de manioc, de la fiente de poulet, de l’excrément de bœuf, des habits brulés, des bois morts, des cartons, des résidus de régime de graine…. « Ma femme m’appelle monsieur on ne jette rien », dit-il en riant.

Tout cet ensemble a besoin d’une décomposition pendant une durée définie pour être un bon substrat. « Si je creuse un trou pour l’enfouir, après trois mois, je peux l’utiliser même après 21 jours », indique-t-il. A la question de savoir comment il a appris à fabriquer ce substrat, il répond « c’est une réflexion personnelle. Le même substrat dans un pneu, je peux l’utiliser autant de fois jusqu’à ce que je sache qu’il est pauvre. Mais avec le pneu, le substrat ne va pas vite s’appauvrir ».

Selon Hangui N’da, le sol d’Agboville n’est pas favorable à la culture de la tomate de salade à cause de son PH élevé. « Quand tu mets de la tomate, ça pousse bien mais à un moment donné, c’est comme si on avait versé de l’eau chaude sur les plantes », soutient-il.

On cueille de la pastèque, du concombre, de la tomate dans les pneus

Une fois le substrat prêt, M. Hangui remplit ses pneus de toutes tailles, disposés sur du sachet noir. Quand la pépinière qui a été aussi faite sur le même substrat est prête, c’est-à-dire 21 jours après la semence, il procède au repiquage.

« On fait le désherbage s’il le faut. Si on constate qu’il y a une maladie qui attaque les plantes, on achète les feuilles de neem, qu’on fermente et on pulvérise les plantes avec. Tout est naturel », précise-t-il.

A partir de 90 jours, les fruits commencent à mûrir et il a un mois pour les cueillir quand il s’agit de la tomate. « Si la floraison n’a pas eu de problèmes, vous pouvez avoir une tonne et demi avec 250 pieds. Si tu as 1.000 pieds, tu vas dans les trois à cinq tonnes », fait-il savoir.

Le concombre met 45 jours et il est planté directement sans faire de pépinière au préalable. Le soixantenaire veut essayer maintenant l’aubergine et le piment dans ses pneus.

Ils sont nombreux à admirer cette pratique de la culture hors sol avec les pneus mais pour l’instant, Angui N’da travaille seul. Il avait formé un groupe de femmes quand il utilisait les sachets. « Les gens viennent, ils apprécient et ils s’en vont. On m’a dit qu’il y a quelqu’un qui ramasse les pneus et qui veut faire la même chose que moi », dit-il.

M. Angui a révélé qu’il ambitionne de vulgariser cette pratique et de recruter une main-d’œuvre suffisante, afin d’en faire une activité régulière. Il a signifié avoir reçu la visite des agents de l’Agence nationale de la formation professionnelle (AGEFOP), venus s’imprégner de sa technique.

« Absolument que je compte vulgariser ma pratique de la culture hors sol avec les pneus. S’il y a une possibilité d’avoir un financement, je peux en faire une activité à grande échelle. Je vais prendre un espace assez grand sur lequel on aura un peu de tout », indique-t-il.

En matière de gain, « le revenu est considérable », avec ses nouvelles dispositions où il n’achète plus de sachet et fabrique lui-même le substrat qu’il utilise pour plusieurs cycles. « J’ai un matériel de travail définitif donc je gagne », conclut-il.

Hangui N’da continue de collecter les pneus usagés et il fait savoir qu’il commence à éprouver des difficultés pour en avoir dans la ville. Il prévoit en chercher à Azaguié, où il espère avoir des gros pneus des tracteurs. « Si je connais un endroit où les pneus usés sont déversés et que j’ai les moyens de les transporter, j’irai », affirme-t-il.

Le développement des cultures hors sol se fera en lien avec la raréfaction des terres cultivables du fait de l’urbanisation. Par ailleurs, l’agriculture urbaine sera largement utilisatrice de procédés de culture hors sol.

Source: Agence Ivoirienne de Presse