Ivory Coast Times

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AIP/ Un ex-migrant relève les possibilités de se réaliser en Côte d’Ivoire

Daloa, avr 2022 (AIP) – Dosso Hassane a tenté d’immigrer clandestinement en Lybie il y a quatre ans. Revenu s’installer à Daloa, il a réussi sa réinsertion sociale et mène une vie décente. Selon lui, la ville offre beaucoup d’opportunités.

Devant lui, sur une petite table de sa première boutique, trois ou quatre téléphones portables de dernière génération. Les appels et alertes de messages entrant sont nombreux.

« Celui-là, par exemple, me permet de suivre toutes les transactions de l’autre côté », confie-t-il, en désignant un des smartphones. L’autre côté, c’est le deuxième commerce de Dosso Hassane : un point de transfert d’argent.

« Aujourd’hui, je ne dépends de personne. J’arrive à m’occuper de ma petite famille avec ce que je fais », admet l’ancien migrant clandestin, marié et père de quatre enfants.

Beaucoup d’opportunités à Daloa

Avec quatre ou trois autres, il est devenu un exemple de réinsertion sociale réussie de migrants volontairement retournés à Daloa. La ville offre beaucoup d’opportunités, affirme-t-il, la confiance retrouvée.

En 2014, Dosso Hassane, alors âgé de 29 ans, est parti à la recherche de l’eldorado comme de nombreux jeunes. Il avait abandonné une situation sociale stable bien que non reluisante pour se lancer à la conquête d’un avenir mirobolant que lui avait fait miroiter son ami en Libye. « Il m’a dit qu’il gagnait l’équivalent de 50 000 francs CFA par jour. A l’époque, j’étais à Treichville (Abidjan). J’avais un cyber qui me rapportait en moyenne 10 000 francs par jour comme bénéfice. Je voulais gagner plus. J’ai vendu et je suis parti », raconte-t-il.

Malheureusement, Dosso Hassane, parti de Daloa, n’a pas pu atteindre la Libye, sa destination, après avoir traversé le Mali. Son rêve s’est brisé en Algérie où la réalité l’obligea à vivre dans la clandestinité et à travailler au noir successivement à Alger, à Oran, à Tamarrasset. Durant quatre ans, il y a connu la prison et frôlé parfois la mort.

De guerre lasse, sans savoir ce qui l’a déterminé, il se présenta un jour de novembre 2018, à la police. Il est aussitôt embarqué dans un convoi humanitaire jusqu’au au Niger d’où il a été pris en charge par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) jusqu’à Abidjan (Côte d’Ivoire). « Une véritable chance », soupire-t-il, expliquant qu’il aurait pu échoir dans un de ces cargos de rapatriement obligatoire qu’utilise régulièrement la police algérienne pour déverser les étrangers en situation irrégulière sur leur sol dans un no man’s land situé en plein dessert à la frontière nigérienne.

Dosso Hassane et une de ses collaboratrices reçoivent une cliente

Aujourd’hui, Dosso Hassane a 37 ans. Il se refait une nouvelle vie, à partir de presque rien. Après des débuts difficiles dans la poissonnerie qu’il avait choisi comme projet de réintégration, faute d’expérience, il est devenu copropriétaire de deux points de transferts d’argent. Il évolue également dans la vente de compléments alimentaires. Son chiffre d’affaire (CA) oscille entre trois à quatre millions de franc CFA. « C’est pas suffisant », déclare-t-il, ambitieux. Il semble en effet avoir trouvé sa voie. Et il rêve grand maintenant.

Il a décidé de quitter l’informel. Avec un associé, il a créé une entreprise individuelle qu’ils sont en train de transformer en Société anonyme à responsabilité limité (SARL), censée leur offrir de meilleures opportunités. L’ambition est de développer leurs affaires en intégrant de nouvelles activités. Les opportunités ne manquent manquent pas. Il suffit d’avoir le flair, assure-t-il, presqu’en homme d’affaires averti. encore.

Ironie de l’histoire, Dosso Hassane est souvent retourné en Algérie où il a noué des relations d’affaires. Mais il s’y rend désormais par avion et muni d’un passeport régulier. A l’occasion de certains séjours, il rencontre des copains de galère, qui demeurent dans la clandestinité. Ils l’envient. « Quand j’arrive, ils m’appellent le benguiste (ndlr : Africain qui revient d’Europe) ». Il réprime un sourire puis ajoute : « Je leur propose de revenir, comme moi, mais ils ne se décident pas ».

Un engagement communautaire

De fait, l’ancien migrant s’est également investi dans la sensibilisation contre la migration irrégulière. Il est, à la fois vice-président national de l’Association pour la réinsertion des migrants et jeunes de Côte d’Ivoire (ARMJCI) et de la délégation régionale du Conseil national des jeunes de Côte d’Ivoire (CNJ-CI). Il est également pair sensibilisateur dans le cadre de la campagne dénommée « Migrants comme messagers » initiée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dont il a été l’un des consultants de 2018 à 2020.

« J’ai décidé de me mettre au service de la population pour leur parler de mon expérience personnelle et donner des conseils aux jeunes qui désirent de tenter l’aventure », explique-t-il.

Alors, inlassablement, il parle des incertitudes de la route de la migration clandestine chaque fois qu’il en a l’occasion. Aux jeunes, mais aussi aux parents, très nombreux, selon lui, à encourager leurs enfants à partir.

Selon lui, la ville de Daloa demeure une plaque tournante de la migration irrégulière, même s’il est difficile d’avoir des statistiques fiables parce que les départs se font dans la clandestinité. Toutefois, une estimation de l’OIM indique qu’en 2017, 10 000 migrants irréguliers se disant ivoiriens avait été recensés arrivés en Italie. Un nombre en augmentation de 230 % par rapport à celui de 2015, a souligne l’organisation.

Une chose est certaine, lui, Dosso Hassane, en connait qui sont partis récemment de Daloa et d’autres qui envisagent de partir. Il tente, autant qu’il peut, de les convaincre de renoncer, leur assurant qu’ils peuvent se réaliser sur place, pourvu qu’ils en aient la ferme volonté. Pour y parvenir, il raconte et raconte encore, sans gêne, sa propre histoire, comme une preuve.

Cependant, il s’est fixé une ligne de conduite : ne jamais s’opposer une volonté de migrer clandestinement. « Je leur fait prendre conscience des dangers inimaginables qui encombrent le chemin de la clandestinité. Je leur conseille la voie régulière. Et comme alternative, je leur explique qu’ils peuvent se réaliser sur place. Je les mets en quelque sorte devant leur propre responsabilité. Après, chacun est libre de décider de renoncer ou pas ».

Une posture souple qui s’explique sans doute par la difficulté de la tâche due au conditionnement psychologique de beaucoup de candidats, déterminés et prêts à braver tous les dangers au péril de leur vie.

« Au cours d’une séance de sensibilisation, j’expliquais, par exemple, à des jeunes filles que le risque d’être violées au cours de la traversée était très élevé. L’une d’elles me rétorqua qu’on pouvait être violée même en restant ici », se souvient-il avec amertume.

Pour autant, il ne se décourage pas. La réussite relative de sa propre réintégration sociale est son plus grand réconfort. Et puis, il y a ceux qui, moins nombreux, certes, l’écoutent et renoncent à partir, comme ce jeune vendeur de chaussures usagers, qui a ouvert un second point de vente avec ses économies qu’il avait voulu engager dans l’aventure.

Source: Agence Ivoirienne De Presse