Ivory Coast Times

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AIP/ “L’agro industrie, le futur de la Côte d’Ivoire”, selon un exploitant agricole, Koré Mahi (Planteur) :

Un juriste, Koré Mahi Guy Paulin, originaire de Gnatroa, village de la sous-préfecture de Sérihio, département de Gagnoa, est depuis 2012, exploitant agricole. Après avoir tout laissé derrière lui à Abidjan, il est devenu propriétaire de plusieurs plantations de palmier à huile, d’hévéa, de kolatiers qu’il a réalisées progressivement, avant d’initier en avril 2022, le tout premier Salon ivoirien du palmier et du caoutchouc africain (SIPCA). Dans une interview à l’AIP, celui qui occupe aussi la fonction de secrétaire général de l’Organisation professionnelle des hévéaculteurs de Côte d’Ivoire (OPH-CI), invite les Ivoiriens sans emploi, mais aussi les salariés, à créer des plantations de palmier à huile et d’hévéa, qu’il juge très rentables.

M. Koré, vous avez initié le salon ivoirien du palmier et du caoutchouc africain. A la fin de ce salon, quel bilan faites-vous ?

On dira que c’est une satisfaction au niveau moral déjà, parce que les objectifs ont été atteints. Le premier objectif, c’était de faire la promotion de l’agriculture, à travers l’hévéa et le palmier. Le deuxième objectif était de faire ressortir toutes les opportunités d’affaires de cette filière hévéa-palmier et enfin, réunir en un même lieu, tous les acteurs de la filière hévéa-palmier, afin que la communauté agricole puisse échanger sur la durabilité de cette filière.

Quelles retombées en attendez-vous aujourd’hui ?

Déjà, dans la région du Gôh, la culture du palmier est en train de prendre de l’essor, avec l’entrée en scène d’une agro-industrie, à savoir la Palmci, qui a mis en place un centre d’achat. Dans toute la région du Goh, nous sommes sollicités pour faire la promotion du palmier à huile. Aujourd’hui, il y a des pépiniéristes un peu partout. Les jeunes commencent à s’intéresser à la culture du palmier et pour nous, c’est une bonne chose.

Pourquoi un jeune devrait-il s’intéresser à la culture du palmier, alors qu’on parle toujours du binôme café-cacao ?

Nous pensons que c’est une réelle opportunité pour notre jeunesse par rapport à la réduction du taux de chômage et la lutte contre la déforestation. Avec la rareté des emplois salariés dans le public comme dans le privé, la culture du palmier et de l’hévéa est en bonne position pour autonomiser de façon durable la jeunesse. Cette filière offre beaucoup d’emplois : les pépiniéristes, les récolteurs, les saigneurs, les vendeurs de produits phyto ou des produits bio. Aujourd’hui, sans vouloir faire de fausse publicité, le changement climatique a des répercussions sur la cacao-culture qui ne prospère plus comme avant et est fortement menacée par le swollen shoot. Avec l’hévéa, c’est une forme de reboisement doublement utile. Non seulement on plante des arbres, mais à court terme, elle produit de la richesse et des revenus financiers sur 50, voire 60 ans.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune, s’il avait à choisir entre hévéaculture et palmier à huile ?

Dans ce domaine, il n’y a pas de choix à faire. Nous, on conseille les deux cultures, avec chacune, sa spécificité, ses avantages. Le palmier entre en production de façon précoce au bout de trois ans, avec plus de 25 tonnes à l’hectare, avec peut-être comme désavantage, une durée de vie de 25 ans, alors que l’hévéa fait 50 ans. Ce qu’on doit retenir, c’est que ces deux cultures fournissent un revenu mensuel. En plus, avec le palmier, on peut avoir un revenu toutes les deux semaines. On conseille donc aux jeunes cette culture pour avoir un revenu durable.

C’est bien. Mais le facteur limitant n’est-il pas l’accès à la terre ?

Vous savez, on trouve toujours de la terre si l’on cherche vraiment. Si dans votre village, vous pensez que vous ne pouvez plus trouver de foncier, il y a au moins 18 autres régions où l’on peut produire l’hévéa en Côte d’Ivoire et donc, vous pouvez vous installer ailleurs. Si l’on ne peut pas être planteur, il y a d’autres activités qui tournent autour des plantations d’hévéa et palmier, comme celui de saigneurs de latex ou récolteur de régimes de palme. Vous pouvez entrer dans l’achat ou le transport du caoutchouc. Il y a assez de métiers qui gravitent autour du palmier et de l’hévéa.

Quelles sont les chances pour un jeune qui embrasse cette filière, de gagner correctement sa vie ?

Elles sont grandes. On peut gagner sa vie correctement. La preuve, c’est le commissaire général du SIPCA que nous sommes. Toutes les actions que nous menons par rapport à ce salon sont financées à 95 % sur fonds propres. Juriste de formation à la base, aujourd’hui je suis planteur de profession. Et je pense que c’est le palmier et l’hévéa qui permettent de nous autonomiser. Sans hésiter et sans ambigüité, nous pouvons demander à la population de s’intéresser à la culture de l’hévéa et du palmier à huile pour gagner correctement sa vie.

Financièrement, que gagne le producteur ?

Avec un hectare d’hévéa, on peut avoir un rendement de 2,5 tonnes/ha. Mais si l’on prend les plantations villageoises, on dira 1,5 tonne/ha. Au prix actuel de 300 FCFA/kg, cela peut vous permettre d’avoir une recette de 450 000 FCFA/le mois. Si vous avez deux à trois hectares, vos recettes sont multipliées par trois. C’est valable pour le palmier, qui fait environ quatre tonnes/ha. Au prix de 100 FCFA/kg, cela fait autour 400 000 FCFA/mois.

Pourquoi pourrait-on penser que les plantations d’hévéa ne rapporteraient pas grand-chose ?

Justement, parce qu’il n’y a pas une médiatisation accrue de ces modèles agricoles. Moi qui ai travaillé en cabinet et en entreprise comme cadre juriste et qui ai tout arrêté, c’est grâce à l’agriculture que je finance mes projets, notamment le premier Salon ivoirien du palmier et du caoutchouc africain (SIPCA). Les fonds viennent de mes ressources agricoles. Donc, c’est l’hévéa et le palmier qui me permettent de financer mes activités. Je pense qu’il revient à l’autorité politique et même aux collectivités décentralisées de faire la promotion des modèles agricoles et d’attirer ainsi la jeunesse vers la terre. Les gens ne savent pas qu’il y a de l’or dans l’agriculture, qu’il y a de l’or dans l’hévéa, le palmier. Aujourd’hui, les entreprises les plus prospères en Côte d’Ivoire sont celles qui exercent dans l’agro-industriel. Sans citer de nom, une entreprise comme le groupe Sifca emploie de milliers d’ivoiriens avec comme matière première, le palmier à huile et l’hévéa. Cette boîte constitue le deuxième employeur après l’État de Côte d’Ivoire. Donc, c’est au politique de faire la promotion de l’agriculture et nous, à notre humble niveau, nous faisons la promotion de l’entrepreneuriat agricole, parce que nous pensons que c’est un moyen d’absorber le trop-plein de chômeurs en Côte d’Ivoire. Si on ne le fait pas, les jeunes vont forcément se détourner de cette activité.

Mais qu’est-ce qui fait qu’on ignore cette manne ?

C’est une volonté politique. De la même matière qu’on présente par exemple le footballeur Drogba, au point où des gens sont prêts à enlever leurs enfants des écoles pour les mettre dans des centres de formation de footballeurs, si la même chose est faite au niveau de l’agriculture, vous verrez que beaucoup de jeunes gens n’auront pas honte d’aller dans l’agriculture. Nous invitons les autorités, surtout les collectivités décentralisées, à faire cette promotion. C’est la région qui gagnera. De notre formation, quand nous sommes retournés à la terre, les parents s’interrogeaient. Mais dix ans après, ils ont compris qu’on peut finir des études universitaires, retourner à la terre et prospérer. Aujourd’hui, grâce à nous, beaucoup de jeunes se sont sédentarisés et vivent bien.

Malheureusement, les Koré Mahi n’existent pas forcément beaucoup en Côte d’Ivoire. S’il y avait un Koré Mahi dans chaque sous-préfecture et même village, je pense que cela boosterait la jeunesse. Maintenant, il faut des moyens pour communiquer sur l’agriculture et surtout les opportunités d’affaires dans l’agriculture. Et c’est le politique qui peut réaliser cela et c’est pourquoi nous avons organisé ce Salon pour attirer l’attention des hommes politiques, des médias, afin que l’on puisse dire aux jeunes, de ne pas attendre le travail issu d’hypothétiques concours administratifs, mais qu’ils peuvent embrasser l’agriculture en attendant une meilleure opportunité, pour ceux qui pensent que cette activité est provisoire. Mais nous, nous pensons que définitivement, on peut faire de l’agriculture sa profession et nous en sommes un exemple parlant.

Quel avenir pour le palmier et l’hévéa dans le Goh ?

Vous ne pouvez imaginer. Grâce à ce Salon, des centaines de jeunes sont en train de vouloir embrasser la culture du palmier à huile. Au niveau de l’hévéa, c’est déjà connu. Ça prospère, et ça continue toujours et nous poursuivons le travail. Quand vous prenez les localités de Diégonéfla, Guépahouo dans le département d’Oumé, mais aussi à Gagnoa, nous sommes sollicités de partout pour mettre en place des entreprises agricoles de palmier. D’ici trois à cinq ans, il y aura des industries agro qui vont s’installer pour donner du travail aux populations. L’agro industriel, c’est le futur de la Côte d’Ivoire, croyez-moi et tenez-le pour dit. On regrette qu’il n’y ait pas d’usine à Gagnoa. C’est vrai. Mais pour qu’une usine s’installe, il faut de la matière première.

Nous faisons ce travail en amont, et vous verrez que lorsque des centaines de jeunes vont embrasser le palmier dans la région, inexorablement, de grandes unités agro industrielles viendront s’installer pour être plus proche de la matière première et réduire les coûts de transport. Aujourd’hui, la zone de Divo se développe parce qu’il y a l’agro-industrie là-bas. Quand Gagnoa aura atteint 2 000 à 3 000 hectares de plantations, les hommes d’affaires viendront. Je n’en doute guère, vu qu’ils recherchent du profit. Et cela, nous le voulons dans toute la Côte d’Ivoire. Et, c’est pourquoi nous organisons ce Salon pour aider les jeunes de toutes les régions, ainsi que les fonctionnaires qui ont besoin de ressources additionnelles.

Combien un jeune doit-il s’attendre à investir pour lancer une plantation de palmier et hévéa ?

Il faut avoir des graines germées de bonne qualité, produites actuellement par le Centre national de recherche agronomique (CNRA). L’hectare de graines vaut 90 000 FCFA. C’est vrai qu’apparemment le coût est un peu élevé. Mais pour la seconde édition du salon, nous sommes en train de préparer une communication, afin que des appuis soient apportés aux jeunes qui veulent s’y lancer. Pour l’hévéa, c’était autour de 120 000 FCFA d’investissement. Actuellement, il y a des techniques culturales qui font que l’on peut créer la plantation avec 50 000 FCFA si vous avez la terre. On associe les premiers plants d’hévéa, du vivrier et/ou du maraîcher pour supporter le coût d’entretien. Toutes ces approches seront exposées au prochain salon, afin que le coût d’investissement ne soit pas un facteur limitant pour ceux qui veulent entrer dans la filière.

Est-ce que vous n’êtes pas en train d’encourager la jeunesse à ne pas produire du vivrier, pendant que l’on parle d cherté de la vie en Côte d’Ivoire ?

Les nouveaux pays émergents d’Asie du Sud-Est, comme la Thaïlande par exemple, ont depuis plusieurs années maintenant, décidé le reboisement par le palmier à huile et l’hévéa. Aujourd’hui, le couvert forestier de ces pays est représenté en grande partie par les plantations villageoises. Mieux, la Thaïlande est non seulement le premier producteur de palmier, mais il est exportateur de riz. Cela est possible, parce que les producteurs gagnent suffisamment d’argent avec les produits de rente pour soutenir la culture du riz de bas fond, qui est un travail harassant.

Ici en Côte d’Ivoire, quand nous aurons de nombreux jeunes qui vont s’adonner au palmier à huile et à l’hévéa dans nos villages, vous verrez qu’ils auront les moyens de faire du riz en grande quantité. Et c’est à cela que nous encourageons la jeunesse. Faire de l’agriculture une profession. Qu’ils n’hésitent pas. Aux travailleurs et fonctionnaires, qu’ils viennent. Ils cesseront de fréquenter les « margouillats » et de s’endetter à tout bout de champ. L’hévéa ne s’associe pas aux arbres. On ne plante pas l’hévéa dans la forêt, mais plutôt dans les jachères. On pourra ainsi faire de la reforestation et changer la pluviométrie en zone de savane.

Source: Agence Ivoirienne de Presse