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Cte d’Ivoire-AIP/ Le budget programme rime avec transparence et renforcement du pourvoir de contrôle du citoyen sur la gestion des deniers publics (Interview)

La Côte d’Ivoire a adopté en janvier 2020, le budget programme comme mode de gestion budgétaire en vue d’instaurer une plus grande cohérence entre les objectifs de développement, les allocations budgétaires et les résultats à atteindre. Ce nouvel outil de gestion transparent et de planification privilégie la performance, tient compte des actions prioritaires à réaliser sous la contrainte des ressources matérielles, financières et humaines. Dans une interview accordée à l’AIP mercredi 25 août 2021 à l’occasion d’un atelier de renforcement des capacités des agents des services financiers, le docteur en droit public et spécialiste des questions de finances publiques et de qualité, Noula Lama, explique pourquoi le budget programme donne droit au citoyen de participer à la gestion des actions publiques et renforce son pouvoir de contrôle du citoyen. Il souligne comment s’exerce le contrôle citoyen et son intérêt sur la gestion des finances publiques.

AIP : Qu’est-ce que le contrôle citoyen de l’action publique ?

NL: le contrôle financier ou le contrôle citoyen de l’action publique, c’est le contrôle qui est exercé par le citoyen pris individuellement ou de façon collective sur la gestion des deniers publics, demandant au pouvoir public de rendre compte. Il s’agit essentiellement pour les pouvoirs publics au niveau local ou central et même des prestataires de services publics de rendre compte aux citoyens dans la gestion des deniers publics.

AIP : En quoi le budget programme renforce le pouvoir de contrôle du citoyen sur la gestion des deniers publics ?

NL: L’idée, c’est de rendre compte, les autorités doivent rendre compte de leur gestion aux citoyens. Parce que la loi lui donne cette possibilité de le faire. Et l’autorité est tenue de respecter la loi et de faire respecter la loi, vu que l’argent utilisé au profit du citoyen qui est au début et à la fin de l’action publique.

AIP : Quel est l’intérêt avec le contrôle citoyen ?

NL : Oui il y a un intérêt important parce que d’abord, le contexte est nouveau, nous sommes dans le budget programme. Le budget programme rime avec la transparence la performance et la rigueur. Et le citoyen qui est au cœur du budget, on doit lui rendre compte et donc ce citoyen doit exercer un contrôle. C’est cet aspect qui est un peu nouveau parce que très souvent, les citoyens sont déconnectés avec leurs représentants. Or désormais, le citoyen qui est apolitique qui n’est pas sous une quelconque politique peut demander des comptes au gouvernement.

AIP : Le contrôle citoyen est une notion nouvelle, quelles étaient donc les techniques classiques ou anciens de contrôle des finances publiques ?

NL : Le texte du contrôle citoyen date depuis 1789. Quand on regarde nos textes, il y a des instruments internationaux tels que la Déclaration des droits de l’homme de 1789, mais il y a également notre Constitution en son article 26 qui donne une place de choix à la société civile et lui reconnaît son rôle important. La Charte africaine de 1989 en son article 13. Il y a aussi les Accords de Cotonou de 2000. Le Programme d’action de 2008 d’Accra, sur l’efficacité de l’aide économique et au développement. Le contrôle qui existait, c’est le Parlement qui l’exécute. Et la loi exige un contrôle du parlement sur l’exécution du budget. Le juge de la Cour des comptes exerce un contrôle sur les finances publiques et même l’administration exerce un contrôle le contrôleur financier, tout comme l’inspection générale d’État. Il y avait plusieurs techniques de contrôle qui existaient par le passé. Par rapport au contrôle, citoyens ces contrôles que je viens de citer sont classiques.

Les finances publiques sont régies par les lois anciennes avec le financement des structures sans leur accorder un objectif précis. Avant, c’est la loi de 1959 qui régissait, elle mettait en place un budget de moyen. Après plusieurs années, ce budget moyen n’a pas donné de résultats escomptés. Il y a eu beaucoup de gabegies. En 1999, il y a eu le plan d’ajustement avec privatisation des entreprises publiques. Ce tableau noir va nous amener à la loi de 2014. La question de bonne gouvernance est partie de là. C’est une directive de l’UEMOA. Depuis 2014, la Côte d’Ivoire s’est engagée dans la transparence de la question des finances publiques avec l’objectif de renforcer le mécanisme de transparence avec un impact positif dans la vie des populations. Après la phase de sensibilisation, l’état veut voir clair avec le nouveau système.

AIP : Le contrôle citoyen vient-il donc remplacer le système classique de contrôle ?

NL : Il vient compléter le contrôle parlementaire. C’est une notion qui est en vogue et qui est en train d’être développée maintenant pour accompagner les techniques classiques de contrôle qui existaient par le passé en matière de finance.

AIP : Comment doit-il procéder ?

NL : Il n’y a pas un nombre limité, bien entendu. Il y a plusieurs modes, les interpellations, les conférences de presse…

AIP : À Quel moment le citoyen peut-il exercer son droit de contrôle ?

NL : Le contrôle peut se faire à trois moments avant, pendant et après. Avant, le citoyen doit participer à identifier les programmes de développement pour amener les pouvoirs publics à les traduire en politique publique. Deuxièmement, il participe pendant l’exécution en faisant le suivi évaluation et il contrôle après en faisant des interpellations et même les sanctions. Les sanctions sont, bien entendu, des sanctions politiques. C’est le fait de ne pas réélire les autorités-là si d’aventure ces autorités étaient candidates à leur propre succession.

AIP : Si le citoyen doit exercer un contrôle au début, est-ce à dire qu’il peut ou doit participer à l’élaboration du budget notamment dans une collectivité ?

NL : Oui, mais en faisant le lobbying en identifiant les projets qu’il soumet à l’autorité sinon il n’est pas la personne habilitée par la loi pour préparer et initier le budget. Mais comme le budget, c’est une description des ressources et des charges de l’État à son profit, il peut approcher l’autorité locale pour des propositions identifiées. C’est pourquoi, la loi oblige l’autorité locale à amener les citoyens à participer pour voir quel est le projet qui rentre dans leur intérêt dans la localité pour ne pas que les pouvoirs publics initient des projets qui ne rentrent pas dans l’intérêt des populations donc les populations peuvent identifier les projets qu’ils peuvent soumettre aux pouvoirs publics pour que ces pouvoirs publics puissent les traduire en politique publique.

AIP : Tous les citoyens sont-ils habilités à exercer le contrôle financier ?

NL : Toute personne a le droit de prendre part à la gestion des affaires publiques de son pays. Tout citoyen a le droit de demander au pouvoir public de lui rendre compte. Et comme les citoyens ne sont pas outillés à la matière, la pression est sur les organisations de la société civile qui intervient pour amener les pouvoirs publics à rendre compte. Le citoyen qui veut exercer le contrôle des finances publiques doit acquérir des compétences et doit être dans une bonne posture.

AIP : Quelle est la posture que doit avoir le citoyen pour vérifier la gestion des finances publiques ?

NL : Oui, avant de contrôler, il faut que le citoyen soit exemplaire. Il doit être en règle vis-à-vis des impôts qui sont les sources de financement du budget. Comment peut-il contrôler les finances s’il ne paie pas les impôts? Quand on parle aux gouvernants, n’oublions pas qu’il y a un autre aspect qui nous concerne en tant que citoyen et nous devons développer le civisme le fiscal. Je voudrais interpeller la population, bien entendu, et leur dire que c’est un droit pour elle de participer à la gestion des affaires publiques et donc qu’elle le fasse parce que la loi lui donne cette possibilité-là de le faire et je les invite par ricochet à être de bons citoyens et à avoir de beaux réflexes en payant leurs impôts. Aux gouvernants, leur dire que nous sommes dans un contexte nouveau qui exige de nous des comportements nouveaux et responsables. Il s’agit de gérer les deniers publics avec beaucoup de transparence de sincérité avec beaucoup d’ouverture en accédant aux demandes des citoyens qui ont besoin d’informations et de documents budgétaires.

Source: Agence Ivoirienne de presse